La fondation de la chartreuse Notre-Dame du Val Saint-Jean de Basseville
Jehan le Grand, curé de Surgy, aumônier et chapelain de Louis Ier, comte de Nevers et seigneur de la terre de Basseville fonde la Chartreuse Sainte-Marie-du Val Saint-Jean de Basseville, «Prioratus Sanctœ Mariœ Vallis Sancti Johannis de Bassa Villa, ordinis Carthusiensis», le 30 juillet 1328.
L’église est consacrée en 1332.
Johannes Grandis serait originaire de Furnes, ville néerlandophone de Belgique, située en Flandres, au bord de la mer du Nord. On ne sait rien de plus de Jehan, si ce n’est qu’il était sans doute très riche. Il donnera tout ce qu’il a acquis aux chartreux moyennant la prière perpétuelle des moines pour le repos de son âme et de celle de ses ancêtres. Ces prières sont si nombreuses que les moines demandent au pape en 1398, l’autorisation de les réduire.
La Charteuse, édifiée dans le site préservé, naturel et sauvage de Basseville, se trouve en bordure de l’Yonne.
À cet époque, Philippe V le Long, Charles IV le Bel et Philippe VI se succèdent à la tête du royaume de France, et en Avignon siège le pape Jean XXII.
Les chartreux possèdent de nombreux domaines dans la région de Clamecy et à Andryes, fruit d’acquisitions, de donations de Philipe le Hardi, duc de Bourgogne, d’adjonctions et d’échanges. Avec l’aide de métayers, de serviteurs, et de fermiers, les terres sont défrichées, les forêts déboisées, le monastère devenant alors une seigneurie agricole prospère.
La Chartreuse subit de nombreux pillages et dégradations jusqu’en 1569 :
1360 : passage des Anglais à Coulanges pendant la guerre de Cent Ans [notes].
1373 : le duc de Bourgogne chasse les anglais de Druyes-les-Belles-Fontaines et Varzy.
1430 : des bandes anglo-bourguignonnes sèment la désolation et la ruine, s’acharnant sur les monastères dans tout le haut Nivernais.
1442 : Clamecy est prise par les anglais.
1510 : la chartreuse en ruine est restaurée.
1546 : le cimetière de la chartreuse est consacré.
1568 : les protestants prennent la chartreuse.
Après cette période troublée, les moines s’emploient à rendre à la Chartreuse sa prospérité, mais un violent incendie occasionne des dégâts très importants en février 1693 sans que l’on puisse en déterminer les causes.
Aux dévastations matérielles produites successivement par la Guerre de Cent Ans, les luttes entre catholiques et protestants et l’incendie de 1693, s’ajoute alors une crise religieuse particulièrement importante dans la partie du Nivernais rattachée au diocèse d’Auxerre. La doctrine janséniste fait son apparition à la Chartreuse avec Dom Nicolas Ledoux, envoyé en disgrâce à Basseville vers 1726.
Consulter ici le plan reconstituant les espaces projetés de la Chartreuse.
La Révolution et la vente au profit de la nation
Au mois d’avril 1790, la chartreuse est réquisitionnée, un inventaire est dressé.
L’année suivante, une estimation des biens et dépendances de la chartreuse est diligentée et les biens ainsi répertoriés sont mis aux enchères. Le 11 mai 1791 la chartreuse est adjugée à Dominique-Elie Héreau, marchand de bois, demeurant à Clamecy. L’église est convertie en pressoir et l’ancienne Chartreuse de Basseville est transformée en ferme par son acquéreur.
Toutefois ce n’est qu’en 1793 que les chartreux quittent Basseville. On estime à sept, le nombre de chartreux au moment de leur départ, dont le personnel compte alors de 4 cloîtriers, 3 officiers et 3 frères. Les moines emploient par ailleurs une douzaine de journaliers permanents dont un boulanger, un portier, un vacher, un tailleur, trois vignerons, comme en témoigne l’inventaire.
La chartreuse demeurera une exploitation agricole jusqu’en 2009, date de son acquisition par son actuel propriétaire. Succèderont à Héreau, Jean-Baptiste Hérisson, Charles Hérisson et Lesueur, propriétaire en 1893, date à laquelle est rédigé le cartulaire de la Chartreuse [notes] par M. Gueneau.
Illustration en haut de la page : Carte générale de la France, 1759. Auteur : César-François Cassini de Thury, (1714-1784), cartographe. Ci-dessus : photographie ancienne, probablement fin du XIXe siècle.
Le vingtième siècle
Le 24 octobre 1927, la propriété est inscrite en totalité à l’Inventaire supplémentaire des monuments historiques [notes]. Propriété de la même famille depuis 1893, la Chartreuse est toujours une exploitation agricole. Elle le restera jusqu’en 2010, lorsque son nouveau propriétaire décide d’y recréer un jardin ainsi qu’un verger et de réhabilliter les bâtiments.
Une opération archéologique, conduite par l’INRAP, est prescrite par la DRAC : une étude du bâti, une étude historique et des fouilles archéologiques sont conduites avant le début des travaux de restauration et de remise en valeur. Par la suite et avec l’aide de la DRAC, d’importants travaux de sauvegarde et de restauration sont initiés sous la conduite des Architectes des Monuments historiques, Perrot & Richard. Les travaux se poursuivent actuellement dans les bâtiments monastiques. Ces importants travaux ont pour but de permettre au bâtiment de continuer à traverser les âges, et d’offrir aux visiteurs la possibilité de découvrir petit à petit la renaissance de ce site merveilleux et chargé d’histoire.
En parallèle, grâce au concours du Conseil régional de Bourgogne, le jardin retrouve sa fonction première avec la création d’un verger conservatoire de variétés anciennes : pommes, poires, prunes, coings, figues et petits fruits (cassis, framboises, groseilles à maquereau). Quatre cent cinquante jeunes plants sont repiqués pour former des haies mellifères favorisant la préservation de la biodiversité et laissent ainsi se multiplier coccinelles, papillons, oiseaux.
Avec les six «parterres à compartiments», l’hortus conclusus renait à l’emplacement même de celui cultivé par les moines. Différentes variétés de végétaux sont plantés dans des caisses de bois surélevées : fleurs, plantes potagères, médicinales, aromatiques, tinctoriales.
Les Amis de la Chartreuse de Basseville
Une association, «Les Amis de la Chartreuse de Basseville», ayant pour objet la restauration des bâtiments et des jardins ainsi que le développement culturel et touristique, est créée en juin 2011.
Notes
Gaude-Ferragu Murielle, « Les dévotions princières à la fin du Moyen Âge : les testaments des ducs de Bourgogne et de leur famille (1386-1477) », Revue du Nord, 2004/1 (n° 354), p. 7-23.
DOI : 10.3917/rdn.354.0007.
Sur le site de Cairn
Inventaire supplémentaire des monuments historiques (parfois appelé ISMH) Retour au texte
L’«inscription» est une protection des monuments historiques présentant un intérêt remarquable à l’échelle régionale, contrairement au «classement», protégeant les monuments présentant un intérêt à l’échelle de la nation. Ces monuments bénéficient d’une protection de moindre niveau.
via Wikipedia
Procédure de l’ISMH
La Guerre de Cent Ans Retour au texte
La guerre de Cent Ans est un conflit, entrecoupé de trêves plus ou moins longues, opposant de 1337 à 1453 la dynastie des Plantagenêts à celle des Valois, et à travers elles le royaume d’Angleterre et celui de France.
via le Larousse
Le cartulaire de la Chartreuse Retour au texte
Cartulaire (du latin médiéval Chartularium, «recueil d’actes» ; du latin classique Charta, «papier»)
Registre contenant les titres de propriété ou les privilèges temporels d’une église ou d’un monastère.
Plus largement, il s’agit d’un recueil de copies de ses propres documents établi par une personne physique ou morale, qui, dans un volume ou plus rarement dans un rouleau, transcrit ou fait transcrire intégralement ou parfois en extraits, des titres relatifs à ses biens et à ses droits et des documents concernant son histoire ou son administration, pour en assurer la conservation et en faciliter la consultation».
La plupart des cartulaires qui nous sont parvenus proviennent d’institutions religieuses, généralement des abbayes ou des cathédrales.
En 1893 Victor Gueneau, un nivernais, percepteur et de receveur des finances de profession, et amateur d’histoire, publie un cartulaire de la Chartreuse de Basseville. Les 150 documents qu’il réunit forment un cartulaire factice dont les originaux ou les copies se trouvent à l’époque dans divers fonds d’archives, qu’ils soient privés ou publics. On trouve un exemplaire de ce document aux Archives du département de la Nièvre.
Voir aussi sur Gallica, ce document extrait du Bulletin de la Société nivernaise des lettres, sciences et arts de 1905 donc postérieur aux recherches de Gueneau et conservé à la BNF.
Il y a Gian Domenico (Jean-Dominique), Jacques, César-François, puis Jean-Dominique : quatre Cassini se succèdent de père en fils à l’Observatoire de Paris. Quatre générations pour élaborer une carte de France, la première à une telle échelle, un tel détail, une telle rigueur. Lancée sous les auspices de l’Académie des Sciences en 1747, elle résulte du travail opiniâtre d’une succession de savants et d’ingénieurs qui, pendant un siècle et demi, vont s’employer à mettre au point de nouvelles méthodes de relevés tel que le demande un pays aussi vaste que la France. César-François Cassini de Thury (1714-1784), fils de Jacques, troisième de la lignée pose ses objectifs : « Mesurer les distances par triangulation et assurer ainsi le positionnement exact des lieux », « mesurer le Royaume, c’est-à-dire déterminer le nombre innombrable de bourgs, villes et villages semés dans toute son étendue », « représenter ce qui est immuable dans le paysage ».
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